« C’est mon parcours personnel qui m’a menée ici, annonce d’emblée Patricia Demazure. J’étais une enfant bègue, sévèrement “dys”1. Moquée, isolée, j’ai beaucoup souffert de ma scolarité. » Patricia redouble plusieurs fois mais s’accroche, rate son bac une première fois, réussit à l’avoir au rattrapage la deuxième et finit par obtenir de haute lutte un Master en histoire à la Sorbonne, avec mention très bien, chose impensable quelques années plus tôt.
« J’ai toujours travaillé dix fois plus que les autres », confie-t-elle. De ce parcours difficile, l’ancienne élève en échec a tiré une empathie à toute épreuve. Et un enseignement : la persévérance finit par payer. « Mon professeur voulait que je passe l’Agreg mais je me suis mariée, j’ai eu mon premier enfant et je n’ai pas poursuivi dans cette voie… ». Après diverses expériences professionnelles, notamment dans le domaine de l’encadrement d’art, elle décide d’écouter son envie de devenir enseignante, le métier qu’exerçait sa mère.
Pédagogie de la bienveillance
Son diplôme en poche, elle se tourne sans hésiter vers le champ du handicap et devient enseignante spécialisée, en charge d’une dizaine d’enfants handicapés moteur. « J’ai vécu des moments incroyables. Un jour je dis à un élève à qui j’essayais d’apprendre le calcul : “Regarde, prends ta main et compte 5…”, et là je m’aperçois qu’il n’a que 4 doigts…“
Avec toi ça ne marche pas, c’est pas grave, on va faire avec ma main !” Je vois l’enfant avant de voir le handicap ». Hyper impliquée et jamais résignée, Patricia rend simple ce qui paraîtrait à d’autres impossible : « j’ai emmené un élève en fauteuil roulant en classe montagne, je le portais sur mon dos… ».
Quand sa directrice lui reproche d’être « trop enveloppante », elle se réjouit du compliment : « pour apprendre, il faut poser les armes, et ce n’est possible que dans un cadre bienveillant ». Au bout de 15 ans, elle sent le besoin d’ouvrir son horizon et s’oriente vers l’enseignement en Segpa : « j’ai démarré avec la trouille au ventre… et en fait ça s’est très bien passé ! J’ai appris à être ferme sans être frontale ».
Pour transmettre sa pédagogie et son expérience, elle postule à un poste de direction, et en 2022, prend ses nouvelles fonctions au collège Henri Sellier. Depuis son arrivée, la Segpa, qui était alors sur le point de fermer faute d’élèves et de projets, a repris vie. Les ateliers ont rouvert, les effectifs ont grossi et les élèves s’investissent dans de nombreux projets. « Elle vient en aide aux élèves, elle voit toujours le positif, elle est à l’écoute, elle donne confiance… », énumère Johana, une ancienne élève. Une belle revanche pour l’écolière en échec devenue directrice.
Le B.A-BA de la Segpa
La Section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) accueille des
collégiens en difficulté scolaire et sociale, qui reçoivent un enseignement adapté au sein de classes peu nombreuses. Outre l’enseignement général, ils bénéficient d’ateliers qui leur permettent d’acquérir des savoir-faire, de prendre confiance en eux et de se projeter dans un métier.