La recherche que vous avez menée a impliqué des jeunes de toute l’Île-de-France, dont des Suresnois. Présentent-ils des spécificités ?
Les Suresnois ont pu être perçus comme les « bourgeois » du groupe par les autres jeunes. Ils ont tenu à rappeler qu’il y a des classes populaires à Suresnes, ainsi que des structures qui les accompagnent. Il est important pour eux, que leurs difficultés ne soient pas niées. Plus largement, à rebours de l’image caricaturale qui circule dans les médias et la société, cette recherche a permis de montrer la diversité de la jeunesse en termes de profils sociaux, de trajectoires, d’ambitions, de rapport à l’avenir, mais aussi l’existence d’expériences communes en matière d’inégalités et de discriminations.
Comment avez-vous réussi à donner envie aux jeunes de s’impliquer ?
Le premier défi a été d’arriver à leur proposer un projet qui les intéresse immédiatement. Il a fallu les amener à s’exprimer sur leurs envies et leurs besoins, les rendre acteurs du projet, leur faire sentir qu’ils avaient un rôle important à y jouer. Pour réussir à créer avec eux un lien de confiance, nous nous sommes appuyés sur les compétences des acteurs de terrain – les animateurs de la maison de quartier des Sorbiers pour Suresnes, par exemple – avec qui nous avons travaillé main dans la main. Les jeunes ont accepté de participer au projet pour plusieurs raisons : parler de leur quartier et de leur expérience, lutter contre les préjugés, contribuer à une recherche scientifique. La jeunesse, et en particulier celle des quartiers populaires, a une défiance vis-à-vis des modes d’expression traditionnels de la politique, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne s’engagent pas. Certains nous ont par exemple expliqué qu’ils pouvaient décider de participer à une maraude via un appel lancé sur un groupe WhatsApp.
Comment avez-vous réussi à maintenir leur implication sur cinq ans ?
Tout au long de la démarche, nous avons veillé à ne pas reproduire le cadre scolaire et à travailler dans un environnement convivial et chaleureux. Autre élément très important, nous avons tenu nos engagements et respecté les étapes que nous avions fixées ensemble : participation à la recherche, contribution à l’écriture d’un livre, réalisation d’une pièce de théâtre… Pour ce travail, les jeunes ont été rémunérés.
Pop-Part, c’est :
- 5 ans de recherche menée en Île-de-France
- 120 jeunes, majoritairement entre 18 et 22 ans, impliqués dans le projet et une trentaine de chercheurs de différentes disciplines et de professionnels de la jeunesse.
- 1 livre et un site internet, qui racontent les coulisses et résultats de la recherche : jeunesdequartier.fr et Jeunes de quartiers, le pouvoir des mots, (dirigé par Marie-Hélène Bacqué et Jeanne Demoulin, C&F Editions, 2021).
- 1 pièce de théâtre Vivaces, produite par la compagnie Kygel Théâtre.
1Jeanne Demoulin est maîtresse de conférences en sciences de l’éducation, membre du Centre de recherche en éducation et formation (CREF) et responsable du Master Cadres d’intervention en terrains sensibles à l’université de Paris Nanterre.