Retour sur les temps forts qui font s’entrecroiser histoire de France et de Suresnes.
Patience, attente et crispations : un débarquement en tension
Le débarquement du 6 juin 1944 a sonné l’heure de l’espoir pour la France occupée. La rumeur, Radio Londres, les journaux de la Résistance relaient l’avancée des troupes alliées. Elles ont percé, elles sont à Rouen, elles se dirigent vers Paris… Mais alors que l’occupant recule, la situation de la population devient plus tendue, à la merci des représailles.
Le 19 juillet, un soldat allemand est abattu à Suresnes, rue du Pont. Le 4 août, deux otages sont fusillés au même endroit : Raymond Jozon, 21 ans, et Georges Schepp, 23 ans.
A Suresnes : le commandant Dalsace négocie…
Le 17 août, une brigade FTP-FFI est à Suresnes. Son chef, Gaston Wiessler alias commandant Dalsace, a 33 ans. Il a reçu pour mission de protéger les bassins d’eau qui alimentent 50 communes de la région, les Allemands pourraient les empoisonner.
Le commandant n’est pas enchanté par cette tâche :
« Je m’étais engagé pour me battre et non pour surveiller 50 bassins d’eau »
écrit Gaston Wiessler dans ses souvenirs. Mais lorsqu’il apprend les exécutions qui ont eu lieu au Mont-Valérien, le martyre des résistants, il n’a qu’une idée : obtenir la reddition du fort et y hisser le drapeau tricolore.
Le 19 août, depuis la mairie, il téléphone au commandant allemand du Mont-Valérien. Le chef des FTP est un Alsacien, né Allemand à Mulhouse en 1910 : il peut donc converser avec son interlocuteur. Il lui demande de ne plus fusiller aucun prisonnier. Les Alliés ne sont pas loin et la reddition du fort est inéluctable. Les balles ne claqueront plus sur des corps français.
Les FTP-FFI reçoivent le renfort de plusieurs jeunes Suresnois, avides d’en découdre.
… pendant que la Résistance s’organise
Le 20 août, ce qu’il restait des troupes allemandes stationnées à Suresnes rejoint le fort.
Les résistants installent leur PC dans les anciennes usines d’aviation Morane où ils découvrent des ailes de Messerschmitt frappées de la croix gammée.
Dans un dépôt d’armes de Saint-Cloud, ils récupèrent 100 fusils Mauser, des cartouches et des grenades. Des prisonniers allemands doivent expliquer aux FTP le fonctionnement de ces grenades à manche très différentes des modèles anglais ou français. Le commandant Dalsace et ses hommes ont conscience qu’il est illusoire d’attaquer le Mont-Valérien : les résistants ne sont ni assez nombreux, ni assez armés. Mais ils peuvent l’assiéger et des barricades sont érigées tout autour du fort. Les FTP-FFI contrôlent l’eau et les accès, ce n’est qu’une question de temps avant que les Allemands se rendent.
La nuit du 24 au 25 août est la plus tendue. À Suresnes on entend les batteries allemandes de Longchamp qui tirent sur Paris. À 3h du matin, une dernière explosion est entendue, les artilleurs ont fait sauter leurs pièces avec leurs dernières munitions. La
barricade sur le pont de Suresnes est détruite, sans dommage. Un convoi Allemand remonte le boulevard de Versailles (l’actuel boulevard Henri Sellier).
On se bat porte de Madrid (au niveau du pont de Puteaux, en lisière de Bagatelle), l’antenne de la Croix Rouge situé rue Émile Zola à Suresnes reçoit les corps de deux fusiliers-marins. La brigade de Dalsace est engagée dans ces combats, elle déplore deux morts et fait deux prisonniers qu’elle ramène à Suresnes.
L’antienne de la Libération
À 21 h, le soir du 25 août, les cloches de Suresnes répondent à celles de Paris libéré. Les Américains et les troupes de Leclerc sont entrés dans la ville par la rue du Pont. La liesse est immense, Suresnes voit s’achever 4 ans d’occupation. Le commandant Dalsace contacte le régiment de Spahis de la 2e DB de Leclerc. Les Allemands du Mont-Valérien ne veulent se rendre qu’à un officier de l’armée régulière, pas à des « terroristes ». Le colonel Rémy fixe la reddition au lendemain à 10h.
Le 26 août au matin, deux chars des spahis et une Ford sur le capot de laquelle a été fixé un drapeau tricolore, confectionné par des secouristes de Suresnes, s’avancent en direction du fort. Un officier allemand venu du QG de Paris descend de l’un des véhicules, il a un drapeau blanc et s’avance vers la garnison. La route est minée, l’Allemand s’imagine pouvoir neutraliser une mine avec sa baïonnette, mais l’engin explose. L’officier sera la seule victime de la « prise » du Mont-Valérien.
La garnison allemande est alignée, les armes déposées. Le colonel Rémy reçoit la reddition du fort. Les Allemands ont enlevé et brûlé les poteaux d’exécution de la clairière des fusillés. Le commandant Dalsace monte au sommet, il fixe le drapeau sur une grande canne à pêche et le hisse sur la clôture. Dans la cour, spahis et FFI-FTP se mettent au garde à vous, un clairon de la gendarmerie mobile joue le salut aux couleurs.
Suresnes est libre !